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VITICULTURE
09.03.2016

SESSION CHAMBRE D'AGRICULTURE, 9 MARS 2016 - intervention de Dominique Techer, élu Confédération Paysanne de Gironde à la Chambre d'agriculture de Gironde

10.03.2016 -
Avant de revenir sur la lettre ouverte de la Confédération Paysanne de Gironde, je voudrais en premier lieu rectifier les propos relayés par la FDSEA* de Gironde sur la responsabilité du soufre dans les intoxications des écoliers de Villeneuve en 2014.

Avant de revenir sur la lettre ouverte de la Confédération Paysanne de Gironde, je voudrais en premier lieu rectifier les propos relayés par la FDSEA* de Gironde sur la responsabilité du soufre dans les intoxications des écoliers de Villeneuve en 2014.

Le rapport de l'ARS (agence régionale de santé) est on ne peut plus clair. Ce rapport ne parle pas de soufre mais de mancozèbe, mefenoxam, et spiroxamine. Ces produits ont été identifiés par le centre antipoison et de toxicovigilance du CHU de Bordeaux.

Cela correspond exactement aux produits qui ont été épandus par l'exploitation conventionnelle voisine de l'école, à savoir Eperon Pépite ( mancozèbe et mefenoxam) et Pepper (spiroxamine).

Je cite ce rapport : il indique que "les effets aigus des fongicides identifiés sont concordants avec les symptômes décrits par les enfants et personnels de cette école": céphalées, irritations oculaires et oropharyngées ainsi que des nausées.

Maintenant que cela a été dit, personne ne peut ici ignorer ces faits. Et je mets en demeure ceux qui ont propagé des rumeurs infondées d'arrêter de le faire et de rectifier publiquement leurs affirmations.

Ce qui est un mensonge avéré a servi de base pour présenter l'idée de traitements en bio autour des écoles comme une « fausse bonne idée ». Notre collègue Pascal Bosq a suivi cette fausse bonne idée en signant à Listrac un accord exemplaire avec l'école qui borde certaines de ses parcelles. La vision qu'ont maintenant ses concitoyens du monde viticole en a sûrement été rehaussée. Et cette démarche de respect montre la voie aux appellations de Bordeaux.

J'en viens maintenant au contenu de la lettre ouverte de la Confédération Paysanne de Gironde aux responsables des institutions viticoles de Bordeaux.

Vous, et d'autres, avez en charge la renommée de nos appellations. Vous êtes en charge du maintien de cette renommée. Des signaux d'alarme multiples se sont allumés et pourtant ils ont été ignorés.

En 2013, Que Choisir analyse les résidus de pesticides dans les vins français et Bordeaux obtient le bonnet d'âne. En 2016, Cash Investigation pointe Bordeaux en noir sur la carte de l'utilisation des produits CMR* (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques). Dans les deux cas, la stratégie de réponse qui a été choisie est celle du « on ne communique pas », on attend que ça passe et qu'une autre actualité vienne chasser celle là.

Est-ce bien raisonnable ? Est-ce qu'on n'est pas en droit d'attendre une véritable réponse à la hauteur du problème posé ?

Pour bien me faire comprendre, je prendrai donc l'exemple de l'industrie des cosmétiques.

Quand les grandes marques de cosmétiques se sont retrouvées pointées du doigt pour la présence de paraben cancérigène dans leurs diverses pommades, elles ont réagi vigoureusement. Tous les services ont été mobilisés en urgence. Elles ont reconnu leurs insuffisances et mis toute leur énergie à élaborer un plan B et à le faire savoir. Elles n'ont pas dit comme certains à la presse « notre plan c'est le A », c'est à dire qu'on va continuer comme d'habitude. Cela aurait été un signal de mépris pour ses clients avec un gros problème commercial à la clé.

Toutes les pommades ne sont pas devenues bio mais elles sont maintenant la plupart sans paraben, et elles l'affichent.

Pourquoi raisonner différemment en viticulture ? Faut-il continuer à se faire pilonner tous les ans sans bouger d'un poil ? Faut-il attendre une dégradation encore plus forte de notre image ? Faut-il accumuler les procédures judiciaires médiatisées de riverains ou de victimes ?

Il faudra élaborer une vraie réponse et non pas opter pour une réponse purement médiatique.

La solution, ce n'est pas d'empêcher les vignerons de parler à la presse et leur dire de les diriger vers la cellule communication du CIVB qui se vante « de savoir parler aux journalistes sans alimenter leur connaissance des problèmes ». Cette ligne de défense est aujourd'hui enfoncée. Nous ne sommes plus dans une période où les nouvelles pouvaient être filtrées ou censurées. Nous sommes à l'ère des réseaux sociaux.

Une autre relation à la société s'impose : le trio FDSEA*-CIVB-Préfecture prenant seul les décisions c'est un peu dépassé. Il y a une opinion publique. 96 % des lecteurs de Sud-Ouest pensent qu'il y a omerta sur la question des pesticides.

Il nous faut donc élaborer un plan d'urgence à court terme et des changements à moyen terme.

Les plantations de haies et les horaires de traitement aménagés c'est bien et indispensable mais c'est sûrement insuffisant. La question de la nature des produits est essentielle. Il faut un plan de sortie des CMR*. La valeur des vins que nous produisons est indissociable des symboles qu'ils véhiculent. Et l'étiquette CMR*, ça ne fait pas très raccord avec la notion de terroir, vous en conviendrez.

A court terme, une relation apaisée avec les riverains  impose le traitement avec des produits agréés bio non classés autour des points sensibles.

Pour ce qui est de l'évolution à moyen terme, bien sûr, la viticulture biologique est une des solutions. Et j'ai été heureux d'apprendre que mon collègue Patrick Vasseur a décidé de l'adopter, suivant ainsi notre président Bernard Artigue, sauf sur ses vins d'appellation Saint Emilion.

Mais, nous osons penser qu'on peut aussi faire un plan de traitement conventionnel correct sans produits CMR* !

Il y a des consultants qui travaillent là dessus depuis longtemps et des conseillers sûrement très compétents. C'est bien le moins que la viticulture de Bordeaux puisse faire pour sortir de cette impasse.

Il ne faut pas laisser les viticulteurs seuls face à ces problèmes et aux solutions de toute façon difficiles. Il est du devoir de ceux qui détiennent les postes de responsabilité de lancer le débat dans ces termes et de proposer des solutions au plus grand nombre.

Cette prise en compte du problème est urgente car les solutions ne seront pas instantanées. Une haie ça met au moins 5 ans pour avoir une quelconque efficacité. Et il y a des tendances lourdes qu'on n'inverse pas comme ça. Pour ceux qui ne le savent pas, je vous indique que la réunion de bilan d'Ecophyto pour l'année 2014 qui s'est tenue hier à Paris a rendu un verdict plus qu'inquiétant : le NODU 2014/2013 est à +9,4 %. +5,8 % en moyenne triennale. Le NODU CMR* est +12 ,9 % !

Voilà la situation. Le problème est posé. La Confédération paysanne de Gironde est prête à faire des propositions plus précises et à travailler pour élaborer ensemble des solutions en espérant pour les appellations de Bordeaux que ce dialogue sera véritablement ouvert.


Intervention prononcée par Dominique Techer, élu Confédération paysanne de Girondea à la Chambre d'agriculture de Gironde, le 9 mars 2016 lors de la Session Chambre

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