Sécheresse, canicule - L’irrigation des vignes : une fausse solution
Jusqu'à très récemment l'irrigation des vignes de plus de 3 ans était interdite. Mais en 2017, une modification de l'article D645-5 du code rural dit que, par dérogation, "lorsque le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée le prévoit, l'irrigation des vignes peut être autorisée pour une récolte déterminée en compensation du stress hydrique dès lors que celui-ci est susceptible de remettre en cause la qualité de la production viticole".
Des cahiers des charges modifiés
C'est l'AOC* Pessac Léognan qui a démarré sur 26 ha en 2020 . Puis petit à petit, quasiment en catimini, les appellations ont modifié leur cahier des charges qui prévoit désormais “L'irrigation pendant la période de végétation de la vigne ne peut être autorisée, conformément aux dispositions de l'article D.645-5 du code rural et de la pêche maritime, qu'en cas de sécheresse persistante et lorsque celle-ci perturbe le bon développement physiologique de la vigne et la bonne maturation du raisin”. Question : qui évalue ce degré de perturbation de la physiologie de la vigne, par quels moyens, sur quels critères et dans quelles limites ? Cela se passe entre l'ODG et l'INAO, dans un entre-soi viticole auquel le citoyen de base n'a pas accès.
Les appellations Entre deux Mers, Fronsac, Graves et Médoc ont fait la demande de possibilité d'irrigation dès juin 2021. Aujourd'hui, ce sont Pomerol, Saint-Émilion (avec ses satellites), et bientôt Lalande-de-Pomerol, qui s'autorisent l'irrigation. En Libournais cela représenterait d'ores et déjà 1500 à 2000 m³ d'eau par jour, essentiellement prélevés sur le réseau d'eau potable.
Adaptation du vignoble au changement climatique en cours?
Il est un peu indécent d'arroser des vignes en production quand en pleine sécheresse l'eau se fait rare pour tous, que certaines communes de Gironde ont dû subir des coupures d'eau et que le niveau des nappes phréatiques est l'objet d'inquiétudes. L'eau est un bien commun vital dont la gestion doit être arbitrée démocratiquement en priorisant les besoins essentiels. La vigne n'est pas une culture vivrière prioritaire. Elle est par nature une plante résiliente au manque d'eau. C'est son intérêt principal : elle permet la mise en valeur de terres ingrates. On n'a encore jamais vu des vignes de plus de trois ans mourir de sécheresse chez nous, même si on en voit souffrir du manque d'eau.
Les conflits avec les autres usages ne vont pas manquer d'être plus fréquents. La Gironde compte chaque année 20 000 habitants de plus…
Au lieu d'entamer une lutte avec les autres usages, la viticulture girondine n'a pas d'autres choix que de changer profondément ses pratiques agronomiques et, bien entendu, ses cahiers des charges qui datent du siècle dernier.
Le changement climatique qui nous promet une intensification, un allongement et un redoublement de fréquence de telles sécheresses, modifie les facteurs naturels et invite à interroger les pratiques viticoles. Quelles sont celles qui, en fonction des terroirs, permettent à la vigne de mieux résister à des sécheresses longues, récurrentes ? Comment assurer une implantation profonde, faire plonger les racines, limiter l'évapotranspiration, favoriser le développement des mycorhizes, jouer sur la densité de plantation, sur la taille, sur la taille en vert, expérimenter l'agroforesterie. Le rôle des politiques publiques agricoles serait de tester et favoriser les pratiques agricoles les plus économes en eau et celles qui favorisent la préservation de sols vivants, permettant la pénétration des pluies, la régénération des sols et la recharge des nappes, en bref d'organiser les conditions favorables au rétablissement des cycles de l'eau et du carbone. C'est cette voie qu'il faut aider les viticulteurs à explorer plutôt que de les pousser à se réfugier dans l'illusion à court terme d'un recours à l'irrigation.
De l'eau ? Q uelle eau ? P our qui et pour quoi ?
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- Dominique Techer, Porte-paroles de la Confédération paysanne de Gironde : 06 09 87 55 45
- Confédération paysanne de Gironde: gironde@confederationpaysanne.fr
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Communiqué - Irrigation des vignes : une fausse solution